Berceaux des nourrissons

Première entrée dans la pièce depuis de nombreuses années. Les nourrissons à l'orphelinat furent rares, si ce n'est une petite fille restée très peu de temps. Mais aujourd'hui, un nourrisson sera accepté ici...

La louve écarta sa cape et laissa apparaître le corps d'un petit garçon endormi. Gabriel avait été sage, comme un ange. Il n'avait pas posé de problèmes et Rodrielle avait su le garder secret par rapport aux vipères. Déjà que l'entrée dans le groupe était difficile, pas besoin de rajouter un poids pour eux. Et puis, Gabi était "sevré" et n'avait plus besoin d'être nourrit au sein. Ce qui était d'ailleurs pratique pour la donzelle qui n'avait plus besoin de s'absenter et de retrouver cette fichue "Graziella" pour le nourrir.

Ah oui, Graziella est la nourrice du petit. Ben ouais, c'est pas bon pour un enfant de trainer avec des vipères... Alors l'étrangère les suivait, de loin avec l'enfant pour s'en occuper et attendre la venue de la louve pour le repas toutes les trois heures. Bref, c'était pas pratique. Puis, l'idée ! Pourquoi ne pas utiliser l'orphelinat pour que l'petit soit au chaud et en sécurité ? Et c'est pourquoi, entre autre, les raisons de la venue de la donzelle. Remise sur pied du domaine pour mieux l'utiliser. De toute façon, elle comptait bien redonner l'enfant à son père d'ici peu...

Donc, pour en revenir à nos moutons, Gabriel fut installé dans l'un des beaux berceaux prévus à cet effet. Petits gazouillis de joie et sourire de la donzelle. Graziella n'allait pas tarder. C'est elle qui se chargerait des mini-mioches de l'Orphelinat. Et puis Dinaro aussi, s'il recevait son courrier, allait venir voir son petit... Normalement ? Mais en attendant, la louve restait là, à s'occuper de Gabriel...

L’entrée de s’était pas faite par la grande porte, juste par le petit portail à l’arrière de la demeure. « Tu passeras par là, ne sait-on jamais… » Avait dit la brunette à la jeune fille fragile qui ne savait pas dire non. Et oui, les rapports de Graziella avec sa patronne n’étaient pas au beau fixe, au contraire. La blonde n’aimait pas cette femme qui se cachait derrière des apparences de femme parfaite. Parce qu’elle ne l’était pas, ah non ! Juste une pauv’femme d’une trentaine d’année qui s’était alliée à une troupe de sanguinaires sans aucun scrupule. Et la Rodrielle n’en n’avait pas non plus d’ailleurs, des scrupules… Grazie l’avait remarqué lorsque la bonne femme était venue la quémander pour Gabriel. « J’ai un fils et je ne peux l’amener avec moi partout, ca t’ira ? »… Oui madame, je m’occuperai de ce petit ange brun.

Et elle l’avait fait sans problèmes, il était si adorable cet enfant. Aujourd’hui, la blondinette se sentait plus proche de lui qu’il ne l’était avec sa propre mère. Etrange n’est-ce pas ? Ben une femme qui attend juste de n’avoir plus besoin d’élever son enfant au sein pour s’en débarrasser, y a pas meilleur exemple de la méchanceté de cette femme. Mais bon… Grazie suivait sans dire un mot, préférant garder le bambin en sécurité. Et elle les avait suivit les ‘zokoïstes’ mais juste de loin. Pas la peine d’ameuter les loups… Et aujourd’hui elles se retrouvent toutes deux ici.

Entrée lente et silencieuse. Les pas de la jeune fille d’à peine 18 ans sont légers comme une plume. Elle rejoint donc Rodrielle sans un mot et se poste devant le berceau. Oui, cet enfant est magnifique. Elle l’aurait bien gardé pour elle en fait. Mais apparemment c’était à son père de le récupérer… Lui aussi avait subi le courroux de la vipère. Mordu à sang par le reptile venimeux. Cruauté même cette femme ! Mais…

Que voulez vous que je fasse Madame ?

La fine main blanche caresse alors la joue du bambin souriant alors qu’elle-même sourit et se penche vers le nouveau-né pour lui déposer un doux baiser sur le front. A présent, elle ferait tout pour cet enfant…

Et c’est une vipère surprise qui se retourne dans un sursaut vers la jeune nourrice. Trop silencieuse celle là, mais pour l’enfant il fallait avouer qu’elle était parfaite. Graziella était, en effet, d’une douceur incroyable avec Gabriel. Pleine d’amour et de geste chaleureux pour un bambin qui ne s’en inquiétait pas. Et y avait rien qu’à voir comment elle le regarde à cet instant là, avec ce sourire qu’habituellement les mères portent…

Ce sourire…

Rodrielle ne l’avait eu que pour les jumeaux et Jaris, ces enfants à elle. Bien que Gabriel soit le sien aussi, le fait déjà qu’il ne fut pas voulu et attendu l’avait refroidit autant que l’idée de redevoir sacrifier sa vie pour lui. C’est pas faute ne n’avoir pas essayé hein, juste qu’elle ne l’a plus cette fibre maternelle que toute femme est censée avoir en elle. En même temps, elle n’avait pas de fibre tout court, plus de fibre maternelle, plus de fibre de femme au foyer, plus rien de normal… Mais ça, elle doit le garder pour elle, surtout ici.

Rires…

Que penserais les vipères en la voyant ici ?! Surement se ferait-elle charrier comme ils savent très bien le faire… En même temps ils étaient jeunes tous ces loupiots, de vrais gamins en quête de gloire et de force. Elle il y a plus de 16 ans… Ironie du sort, elle critique des personnes qui font la même chose que ce qu’elle faisait dans sa tendre insouciance !

Nostalgie…

Tout le monde n’était pas comme eux, en fait. Emeraudes qui se tournent vers la nourrice, jeune et jolie blonde au cœur d’or. Une pureté sans ombre cette demoiselle. Le genre de jeune femme qu’un homme protège jusqu’à la mort et qui n’ose même pas toucher, de peur de casser cette poupée de porcelaine aussi fragile à l’extérieur qu’à l’intérieur. S’pour ca d’ailleurs que la louve l’avait choisit elle et pas une autre. Elle savait qu’elle serait trop faible pour dire non, trop sensible aux enfants pour ne pas accepter d’être comme une mère pour Gabriel. Et elle avait eu raison…

« Que voulez vous que je fasse Madame ? »

Bonne question ! Quelques secondes de réflexion et regard qui se tourne vers la porte. Dinaro allait-il venir ou pas ? Telle était la question. C’est qu’elle était venue ici avec le môme pour lui, pour qu’il le récupère et pour qu’enfin il ne s’inquiète plus pour « l’enfant prodigue ». Soupire.

Je ne sais pas Grazie… Juste attendre… J’espère qu’il viendra…

Perdue entre le désir et la crainte de le revoir, Rodrielle bouillonnait de l’intérieur. Il fallait que Dinaro reprenne Garbiel, pour leur tranquillité, pour que l’enfant vive correctement et dans un lieu sein. Mais à présent, la décision n’était plus dans son camp…

Attendre, encore et toujours… A croire qu’elle était née pour ca, la Graziella ! Attendre que la brune revienne récupérer son bambin, attendre le départ, attendre le père qui ne daigne montrer le bout de son nez… Et en parlant du père, la blondinette partit dans ses pensées. Son regard restait figé sur l’enfant alors qu’elle se demandait à quoi pouvait-il ressemblé ce… Dinaro. Un brun ? Un blond ? Connaissant la Rodrielle, cet homme devait être beau à regarder. Surement grand et musclé, sur de lui et rebelle. Et là était une nouvelle différence entre les deux femmes : Grazie, elle, préférait nettement les hommes plus fins, poètes, doux… Pas de ces brutes incapables d’aimer.

Soupire. Profond soupire. Qu’allait-elle devoir faire alors ? Ici, seule apparemment… Et surtout, après que le père soit venu récupérer son enfant ? Graziella n’osait pas l’imaginer. Elle l’a déjà dit, elle s’est attachée à cet enfant. Le perdre serait effroyable pour elle… Comme une partie d’elle qui s’en irait en Bourgogne… Un vide au creux de l’estomac, qui d’ailleurs était déjà apparu.

J’espère pour vous qu’il ne tardera plus… Madame.

La demoiselle ne peut même plus cacher l’amertume qui la ronge à présent. Bientôt, les larmes lui monteraient aux yeux. Et comment allait-elle réagir face à ce Dinaro ? Qu’allait-elle faire face aux couple ? Les empêcher de lui prendre l’enfant, ou laisser partir Gabriel sans un mot ?Oui, elle n’avait pas finit de pleurer…